Les systèmes de commande prioritaire des feux de signalisation permettent aux autobus de circuler de façon fluide dans les villes, d’économiser du temps et du carburant, et de moins polluer l’atmosphère.
Les grandes avenues canadiennes sont embouteillées, pourtant les autobus de Calgary Transit circulent aussi vite que si elles étaient vides.
Cela est dû au fait que la ville a équipé trois lignes d’autobus de la technologie sans fil qui permet de réaliser ce dont chaque usager des transports en commun rêve : passer un feu de circulation au vert sur commande. Lorsque les autobus de Calgary arrivent à une intersection, les feux de circulation passent du rouge au vert ou restent au vert un peu plus longtemps. Il en résulte une durée de voyage plus rapide pour les usagers, moins de pollution due aux temps d’arrêt et plus d’économies de carburant pour la ville. Jodie Marcyniuk, ingénieure en systèmes de signalisation prioritaire pour le transport en commun chez Calgary Transit, remarque que chacun des autobus équipés d’un transmetteur économise 2 000 gallons (environ 7 570 litres) de carburant et émet près de 50 000 livres (environ 22 679 kilos) de dioxyde de carbone par an, comparativement aux autobus des lignes régulières. (Ces calculs né comptent pas les litres gaspillés par les véhicules immobilisés aux intersections.) « Cette technologie fonctionne à merveille », déclare Mme Marcyniuk.
Elle porte le nom grandiloquent de « système de commande prioritaire des feux de signalisation ». 98 grands centres urbains l’ont installée à plus de 30 000 intersections, ce qui représente un cinquième de toutes les intersections ayant des feux de signalisation aux États-Unis. Bellingham, dans l’État de Washington, Eugene, dans l’Oregon, Boise City, dans l’Idaho, et Syracuse, dans l’État de New York ont ouvert la voie en installant toutes ce système à au moins 90 % de leurs intersections.
Houston a remarqué que ce système a permis de réduire de 23 % le temps de circulation des véhicules d’urgence équipés de transmetteurs – cela fait une énorme différence lorsqu’il s’agit de transporter un patient qui fait un arrêt cardiaque. Les temps d’intervention d’urgence plus rapides ont également permis aux villes de mieux gérer leurs budgets. Plano, au Texas, a ainsi pu desservir 7,5 miles carrés (environ 19,42 kilomètres carrés) par caserne de pompiers à l’aide du système de commande prioritaire des feux de signalisation, comparativement à 5,6 miles carrés (environ 14,50 kilomètres carrés) sans ce système. Plano a ainsi évité d’avoir à construire trois casernes supplémentaires et a économisé 9 millions de dollars en coûts de construction et 7,5 millions de dollars de coûts annuels d’exploitation.
Le concept de système de commande prioritaire des feux de signalisation date du début des années 1970, lorsque 3M a développé un système permettant aux véhicules d’urgence de changer les feux de signalisation à l’aide d’impulsions lumineuses clignotantes (et plus tard d’impulsions infrarouges) transmises à des récepteurs installés au niveau des routes. Cette technologie a démarré lentement, certaines villes ayant des difficultés à l’intégrer aux anciens dispositifs de contrôle des feux de signalisation. Cela a toutefois fini par marcher. Lorsque St. Paul, au Minnesota, a installé un premier système de commande prioritaire des feux de signalisation, les accidents de véhicules d’urgence ont été réduits de plus de 50 %, malgré la concentration en population dans les années qui ont suivi.
En 1979, 3M a amélioré sa technologie – vendue sous la marque Opticom – pour qu’elle reconnaisse deux niveaux de priorité différents : un niveau de priorité élevée pour les véhicules d’urgence qui pouvait entraîner un passage au vert immédiat des feux de signalisation, et un niveau de priorité faible pour les véhicules de transport en commun qui pouvait retarder le passage au vert des feux de signalisation si cela gênait la circulation.
Des pirates informatiques ont fini par entrer en scène en utilisant des transmetteurs infrarouges commandés par messagerie pour faire passer les feux au vert. En 1992, 3M a ajouté des codes de chiffrement pour arrêter ce piratage. L’entreprise a vendu Opticom à TorQuest, une société de gestion de fonds d’investissement privé, pour un montant de 80 millions de dollars l’année dernière. TorQuest a transformé cette unité technologique en une entreprise privée appelée Global Traffic Technologies, qui se taille la part du lion sur le marché des systèmes de commande prioritaire des feux de signalisation. Son chef de la direction, Richard Sachse, a déjà mis en place cette technologie dans de nouvelles villes à la circulation très dense comme Dubai au Moyen-Orient. Là-bas, le système permettra tout d’abord aux cheiks pressés de filer d’un bout à l’autre de la ville. Puis les véhicules d’urgence pourront le faire à leur tour.
La toute dernière génération des systèmes Opticom a supprimé la technologie infrarouge pour associer un système radio cellulaire au système de géolocalisation qui peut localiser la position et la vitesse d’un véhicule. Lorsqu’un autobus équipé d’un système de géolocalisation arrive à une intersection, il peut comme avant prendre la commande des feux de signalisation, mais le système peut également calculer son heure d’arrivée estimée et décider de prolonger la durée des feux verts ou réduire celle des feux rouges. Il remarque aussi si les feux clignotants de l’autobus sont allumés et peut faire passer la flèche des feux au vert selon que l’autobus tourne à gauche ou à droite. Le système repasse en fonctionnement normal au bout d’un cycle ou deux.
Les autobus équipés du système de géolocalisation peuvent également indiquer aux ordinateurs de circulation s’ils sont en retard ou en avance sur leur horaire et s’ils ont des passagers à bord (cela est calculé automatiquement par les compteurs de passagers des autobus). Les autobus vides et ceux en avance sur leur horaire doivent attendre au feu rouge comme tout le monde. « Le carburant est difficile à économiser lorsque la circulation est ralentie aux intersections pendant qu’on attend qu’un autobus vide passé », déclare Steven Arrington, directeur du développement des ressources à l’Office des transports à Jacksonville, en Floride, qui a mis cette nouvelle technologie à l’essai. D’un autre côté, le traitement royal des passagers d’autobus peut réduire la pollution atmosphérique juste en incitant les gens à abandonner la voiture.
Les villes commencent également à utiliser les données de géolocalisation des autobus pour répondre à l’éternelle question des usagers de mauvaise humeur : mais où donc est mon foutu bus? Auckland, en Nouvelle-Zélande, possède 730 autobus qui communiquent avec 174 intersections à l’aide du système de commande prioritaire des feux de signalisation, et les communications sont indiquées sur 180 panneaux d’affichage dans les rues qui affichent les heures d’arrivée estimée des autobus. Le système mis en place à Portland, dans l’Oregon, affiche ce type de renseignements dans neuf arrêts de bus, ainsi qu’un état des lignes d’autobus qui couvre un million d’appels par mois.
Le système de géolocalisation Opticom coûte 5 300 dollars par intersection et 3 000 dollars par véhicule. Les villes et les États peuvent le payer en prélevant sur les 40 milliards de dollars du fonds de transport du gouvernement fédéral ou sur les 193 milliards de dollars attribués dans le cadre de la loi sur le transport adoptée en 2005.
Les villes à fort développement qui connaissent des problèmes d’extension urbaine comme Las Vegas, Phoenix, et Denver « sont complètement séduites par ce que le transport intelligent par autobus peut réaliser », déclare Robert Puentes, boursier à la Brookings Institution. Les développeurs ont noté de grands projets à Dallas et à Portland, en Oregon. Il est fascinant de voir ce qu’un feu vert peut faire.