juillet 13, 2021

Comment le Canada peut retrouver un peu de sa gloire d’antan en tant que fabricant d’objets que le monde veut se procurer

(FINANCIAL POST) – Kevin Carmichael : La volonté du Canada de redevenir une puissance automobile se bute à un obstacle majeur, la pénurie de talents dans le secteur de la fabrication.

Les chaînes d’approvisionnement du secteur de l’automobile sont en train d’être modifiées en vue de construire des véhicules électriques, et son entreprise de Brampton, en Ontario, sera un nœud important lorsqu’elles se consolideront, car elle s’est imposée en tant que fournisseur de premier plan de l’une des pièces les plus importantes : les boîtiers en aluminium qui protègent les batteries, un délicat travail d’ingénierie.

Les boîtiers doivent en effet être à la fois légers pour maximiser la distance que les véhicules peuvent parcourir entre deux recharges et suffisamment résistants pour empêcher la batterie d’exploser en cas de collision.

« Nous participons de manière significative à 50 % des lancements de programmes de VE en Amérique du Nord », a déclaré en entrevue M. Caputo, directeur général et copropriétaire de l’entreprise.

Il y a Tesla Inc. bien sûr, mais aussi la Mustang Mach‑E à batterie de la Ford Motor Company, qui a fait son entrée sur le marché canadien l’année dernière, Rivianil, cite également Mercedes de Daimler AG et Bayerische Motoren Werke AG (BMW) pour faire bonne mesure.

« Les gens pensent à Tesla lorsqu’ils pensent aux VE, et c’est justifié, a déclaré M. Caputo. Mais c’est un mouvement plutôt vaste. C’est cela, d’après moi, qui est intéressant. »

En effet. Le Canada, qui compte une poignée de grands fabricants de pièces automobiles, a l’allure d’un concurrent dans la course à la construction de la prochaine génération de véhicules. La nature nous a fourni les minéraux nécessaires à la fabrication des batteries et nous avons encore des capacités de production d’acier.

En outré, la Compagnie Électrique Lion de Saint-Jérôme, au Québec, et NFI Group Inc. de Winnipeg se lancent à fond dans le marché des autobus électriques, et la société québécoise BRP Inc. et le nouveau venu Taiga Motors Corp. se préparent à produire des motoneiges électriques.

Le premier ministre Justin Trudeau et le premier ministre de l’Ontario, Doug Ford, ont consenti des centaines de millions de dollars en prêts à Ford, à General Motors Company et à Fiat Chrysler Automobiles de Stellantis NV pour financer le réoutillage d’usines en vue de la production de VE. Et l’Association des fabricants de pièces d’automobile du Canada, un groupe de pression, parraine le projet Arrow, qui vise à construire une voiture conceptuelle à propulsion électrique d’ici 2022.

L’engouement est réel. « La croissance a été fulgurante et nous sommes en plein dedans », a déclaré M. Caputo, qui a cerné il y a quelques années une occasion d’intégrer la chaîne d’approvisionnement des VE.

M. Caputo, qui s’est fait connaître en gérant des sociétés cotées en bourse, en avait assez du « bruit » qui accompagne les tentatives de plaire aux analystes et aux investisseurs à court terme tout en bâtissant une entreprise durable. En 2016, il s’est associé à TorQuest Partners, une société de gestion de fonds d’investissement privé, pour faire l’acquisition de Can Art, une entreprise en santé qui, selon M. Caputo, pouvait passer à un niveau supérieur. Il a établi un plan visant à doubler la production pour atteindre 100 millions de kilogrammes d’aluminium par année tout en ciblant les acheteurs les plus importants dans les secteurs de l’automobile, de l’architecture et des produits de consommation.

« Nous sommes passés des devis aux propositions, a déclaré M. Caputo, qui est sur le point d’atteindre son objectif de production. Nous avons conçu l’avenir pour nous-mêmes et nous avons évolué dans ce sens. »

Ce plan porte ses fruits et M. Caputo né peut s’empêcher de se demander si les décideurs et les chefs de file de l’industrie n’ont pas l’occasion de redonner au Canada un peu de sa gloire d’antan en tant que fabricant d’objets que le monde veut se procurer, ce qui renforcerait la capacité du pays à générer de la richesse et à soutenir des emplois mieux rémunérés.

« Je né parle pas d’une refonte complète de la base industrielle, a‑t-il déclaré. Je dis simplement que, là où nous avons ces pépites, comme les VE et d’autres choses, si nous les entretenons, peut-être qu’elles serviront à plusieurs fins. »

Les pensées de M. Caputo ont toutes un sens dans l’abstrait. Maintenant, nous devons juste garder le rythme, ce qui sera plus difficile qu’il n’y paraît. L’expérience de Can Art suggère que la volonté du Canada de redevenir une puissance automobile se bute à un obstacle majeur qui né peut être surmonté en cherchant davantage, soit la pénurie de talents dans le secteur de la fabrication.

Le déclin de l’industrie manufacturière au cours des dernières décennies a entraîné une pénurie de main‑d’œuvre capable fabriquer des objets. Selon l’enquête mensuelle sur les salaires de Statistique Canada, le pays comptait quelque 1,9 million de travailleurs d’usine au début de 2001, ce qui représentait environ 15 % de la main‑d’œuvre. Ce nombre a diminué par la suite, pour atteindre environ 1,5 million en 2009, et il se maintient à ce niveau, soit environ 9 % de l’ensemble des travailleurs.

M. Caputo a déclaré qu’il était très peu préoccupé par l’inflation, le principal sujet de conversation sur les marchés financiers et dans la presse d’affaires en ce moment. Protéger ses 500 employés contre la COVID-19 et trouver suffisamment de main‑d’œuvre pour faire tourner l’usine à plein régime sont ses principales préoccupations.

« N’importe qui peut jouer du violon, mais peu de gens savent bien en jouer, dit-il. Nos employés peuvent non seulement jouer du violon, mais ils peuvent aussi créer la musique. »

Mais Can Art a besoin d’un plus grand orchestre, l’entreprise compte actuellement une cinquantaine de postes vacants à son usine principale de Windsor, en Ontario. « Je m’inquiète de la disponibilité de gens de métier qualifiés, a déclaré M. Caputo. Nous avons toujours des défis à relever dans ce domaine. »


Je m’inquiète de la disponibilité de gens de métier qualifiés

– Anthony Caputo


Pendant des dizaines d’années, les jeunes Canadiens ont été conditionnés à assimiler la réussite professionnelle à un diplôme prestigieux et à un emploi de bureau. On comptait environ un million de personnes employées dans des professions à col blanc en avril, soit une augmentation de 57 % par rapport au début de 2001, plus du double de l’augmentation de l’emploi total sur cette période.

Le secteur de la fabrication emploie toujours plus de personnes, mais la trajectoire de l’industrie va dans la direction opposée. Le nombre total de postes y est en effet inférieur de 26 % à celui de 2001, l’année où la Chine a adhéré à l’Organisation mondiale du commerce et a accéléré la disparition des villes manufacturières au Canada et aux États-Unis, incapables de concurrencer avec l’Asie.

Peut-être que les conseillers d’orientation des écoles secondaires ont mis de côté le secteur de la fabrication trop rapidement. L’histoire de Can Art est un bon exemple de la manière dont le bon mélange de talents et de capitaux peut permettre de fabriquer des objets dans un territoire de compétence aux coûts relativement élevés comme le Canada.

Mais l’entreprise connaît une croissance plus rapide que le bassin de travailleurs potentiels. C’est un problème qui touché également le secteur en plein essor des technologies de l’information, qui a cherché à compenser une pénurie chronique de talents par l’immigration et, plus récemment, en prenant en main la formation de la prochaine génération de travailleurs.

Il y a là des leçons à tirer pour les fabricants de biens matériels, mais M. Caputo se demande également si son secteur n’a pas besoin d’une meilleure histoire. À Can Art, nous « chauffons l’aluminium à 1 000 degrés », alors il reconnaît qu’un emploi dans son usine né convient pas à tout le monde. Pourtant, qu’est-ce qui est le plus gratifiant : écrire du code pour divers jeux vidéo ou construire des pièces pour la révolution verte?

« Nous né faisons pas dans les logiciels, nous né sommes pas très branchés, sauf que ce que nous faisons est utilisé dans des choses qui le sont énormément », dit-il.

Si cela né fonctionne pas, M. Caputo pourrait tenter d’attirer des talents en dévoilant les salaires qui sont versés aux travailleurs dans le secteur de l’aluminium. Les 10 700 travailleurs qui restent dans ce sous-secteur de l’industrie manufacturière gagnaient en moyenne environ 2 000 dollars par semaine en avril, soit à peu près autant que les négociateurs en bourse et 10 % de plus que les concepteurs de logiciels.

« Vous devez offrir les mêmes salaires que les autres entreprises, a déclaré M. Caputo. Et c’est ce que nous faisons. »


Financial Post