avril 16, 2012

Un nouveau départ

Pinova, qui faisait auparavant partie d’Hercules, obtient l’attention et un investissement d’un nouveau détenteur.

Le destin d’un arbre

Pinova utilise comme principale matière première des souches de pins blancs qui poussent dans le Sud-Est des États-Unis.

En cette année électorale, les pratiques des sociétés de placement privé ont mauvaise presse. Il se dit que ces sociétés acquièrent des entreprises en difficulté, les accablent de dettes et licencient des employés afin de réaliser rapidement un profit.

Cependant, l’histoire semble bien différente pour l’ancienne entreprise de produits chimiques à base de pin d’Hercules. En janvier 2010, TorQuest, une société de gestion de fonds d’investissement privé, a acquis l’entreprise et lui a rendu son ancien nom : Pinova. Theodore H. Butz, chef de la direction de la nouvelle entreprise Pinova, décrit le changement de détenteur comme un sauvetage d’un orphelinat par Daddy Warbucks.

« Dans l’industrie des produits chimiques à base de pin, tout ce dont vous avez besoin, c’est d’un parent qui vous aime », déclare M. Butz au magazine C&EN. « À première vue, Pinova semblait être depuis longtemps une entité d’Hercules non essentielle, moins importante et sans intérêt. » « Lorsque TorQuest a acquis l’entreprise, elle a rapidement investi dans l’amélioration de son installation située à Brunswick, en Géorgie », ajoute-t-il. De nouveaux postes et fonctions ont été créés, dont une équipe de vente attitrée.

Les perspectives de Pinova ont été renforcées fin 2010 lorsque TorQuest a procédé à l’acquisition des activités relatives aux arômes et aux parfums à base de pin de LyondellBasell Industries. Cette entreprise, qui s’appelle désormais Renessenz, est une entreprise sœur de Pinova sous l’égide de Pinova Holdings. « Les perspectives de croissance des deux entreprises sont importantes. Toutes les deux exercent leurs activités depuis plus de 100 ans », ajoute encore M. Butz.

Les deux entreprises emploient à elles deux plus de 400 personnes et ont réalisé environ 300 millions de dollars de revenus l’année dernière. Pinova est la seule grande entreprise au monde à extraire de la colophane et des terpènes raffinés des souches de pin. Elle cible des marchés industriels de niche – notamment les colles – et des applications spécialisées dans les secteurs des produits alimentaires, des boissons et des soins personnels.

Les produits aromatiques de Renessenz sont pour la plupart issus du sulfate de térébenthine brute (CST), sous-produit de l’industrie des pâtes et papiers. Renssenz est très bien placée sur le marché des arômes et des parfums. La direction élabore de nouvelles applications telles que des agents arômatisants rafraîchissants. Pinova utilise également le CST comme matière première et les deux entreprises vendent du limonène obtenu à partir d’écorces d’agrumes.

L’utilisation par Pinova de matières premières renouvelables peut être à la fois une bénédiction et une malédiction. M. Butz a rencontré récemment deux clients importants du secteur des soins personnels qui sont intéressés par le potentiel de commercialisation des ingrédients fournis par Pinova. « L’avantage de cette industrie en matière de durabilité est énorme », affirme-t-il.

Cependant, les matières premières renouvelables sont à la merci des caprices de la nature et des contraintes en matière d’approvisionnement. Donald Stauffer, anciennement employé chez Hercules, qui dirige la société de conseil International Development Associates, à Mendenhall, en Pennsylvanie, déclare « Hercules a lutté par le passé pour avoir les souches de pin dont elle avait besoin pour ses activités ». Il ajoute « L’entreprise est aussi en concurrence avec Arizona Chemical, Georgia-Pacific Chemicals, et MeadWestvaco, qui sont toutes de grandes entreprises produisant des produits chimiques du pin à bas coût issus du CST.

M. Butz, qui s’est joint à Pinova en novembre 2011, affirme que l’approvisionnement en matières premières n’est pas un problème. Il reconnaît que c’en était un il y a dix ans, mais l’entreprise a depuis cédé des activités à faible marge qui utilisaient de grandes quantités de matières premières. En 2011, Pinova a commandé une étude qui a montré que l’entreprise consommait par an moins de 10 % de la quantité annuelle de bois de souches de pin disponible dans le Sud-Est des États-Unis. De plus, grâce aux efforts internes en matière d’innovation, l’entreprise s’est améliorée dans l’exploitation de souches plus jeunes et d’une plus grande variété de souches comme matières premières.

Pinova fait également plus attention à sa chaîne d’approvisionnement par d’autres moyens. M. Butz a récemment recruté le vice-président d’une société de développement de matériaux et d’affaires stratégiques pour superviser toutes les matières premières principales des deux entreprises, dont les souches de pin, la colophane, le limonène, le menthol et le CST.

Il a également contesté les allégations de Stauffer’s selon lesquelles des entreprises comme Arizona Chemical et Georgia-Pacific représentent une menace pour Pinova. Dans le passé, Hercules a produit de l’huile de pin et d’autres produits chimiques du pin à faible marge qui ont mis Pinova en concurrence avec ces deux grandes entreprises. Mais aujourd’hui, selon M. Butz, Pinova et Renessenz ont toutes deux de nombreuses activités spécialisées que les autres entreprises n’envisagent pas.

L’une de ses missions est d’aller encore plus loin dans la spécialisation. Avant d’arriver chez Pinova, M. Butz dirigeait l’activité des biopolymères chez FMC, une société de produits chimiques spécialisés. FMC vendait également des produits naturels raffinés – comme la cellulose et les alginates – aux industries des produits alimentaires et des soins personnels. M. Butz pense qu’il a été embauché du fait de son expérience de ces marchés réglementés. Pinova a récemment amélioré son installation à Brunswick afin de se conformer aux bonnes pratiques de fabrication de l’Agence américaine des produits alimentaires et pharmaceutiques (Food and Drug Administration, FDA).

Outré des améliorations opérationnelles, souligne M. Butz, la croissance sera réalisée – comme pour FMC – grâce au développement des capacités de service technique de l’entreprise. Les applications relatives aux arômes et aux parfums s’accroissent de 3 à 4 % par an dans les pays développés et jusqu’à 6 à 8 % dans les pays émergents. « L’innovation est importante chez nos clients. Par conséquent, les produits changent tout le temps. Vous devez être le fournisseur auquel ils font appel pour de nouvelles formules, et vous devez fournir à un coût concurrentiel », déclare M. Butz. « Cette attention est également cruciale sur le marché des colles spéciales. Nos agents d’adhésivité doivent bien s’accorder avec d’autres systèmes de polymères. »

Pinova cherche aussi à développer des applications de niche relatives aux matériaux de construction, dont les résines utilisées pour le béton à haute performance, les colles, les mastics et les revêtements spéciaux. L’entreprise a connu une croissance remarquable dans le secteur autrefois peu développé des adjuvants agricoles qui permettent aux produits chimiques agricoles d’adhérer au feuillage et prolongent la durée de vie des ingrédients.

Selon M. Butz, l’acquisition ou le partenariat avec d’autres entreprises qui utilisent des matières premières naturelles et ont le même type de clients serait une façon idéale pour Pinova de réaliser de la croissance. De plus, l’entreprise s’intéresse à la biotechnologie, car produire des arômes et des parfums par fermentation débouche sur moins de volatilité dans les prix des ingrédients. « Je suis persuadé que la biochimie a un rôle à jouer dans notre industrie », estime M. Butz. « En attendant, le fait que l’industrie des produits chimiques à base de pin repose depuis longtemps sur les matières premières renouvelables a été sous-estimé. » « L’utilisation de souches va au-delà du renouvelable, ajoute-t-il. Lorsque vous arrachez des souches dans un champ, elles peuvent être utilisées de façon plus productive – pour l’agriculture ou la plantation. Les propriétaires terriens détestent les souches laissées dans les champs. »

De même, les détenteurs de Pinova contribuent à ouvrir la voie vers une nouvelle croissance. « Certaines personnes se méprennent sur ce qu’est le placement privé et appellent cela défrichage par brûlis”. Ce n’est pas notre cas. Pour nous, il s’agit d’un renouveau pour l’entreprise », déclare-t-il. « Nous allons mettre en place une solide plateforme pour les 15 prochaines années – quel que soit notre avenir – qui sera centrée sur la croissance dans l’industrie des matières premières renouvelables ».

Source : Chemical & Engineering News, ISSN 0009–2347, Droits d’auteur 2012, American Chemical Society